"C'était l'hiver à Berlin : la lumière
sans lumière, le ciel sans ciel.
L'air blanc comme un pain mouillé"

(“Chevaux”. Extravagario. Pablo Neruda)

Lágrimas heladas Carmen #1
         

‘Morir en Berlín’ (Mourir à Berlin) est un projet composé de 30 photographies. Cet travail se présente sous une double lecture: un portrait humain du Berlin actuel et, en parallèle, une exploration d'aspects tels que la renaissance et la mort, compris comme cycle de vie.

Ce travail est lié aux différentes séries de photographies et de vidéos que j'ai réalisées au cours des quatre dernières années: ‘Sobre vacio’/2009, ‘La herida’ /2008 et ‘Emotions’/2006-07, qui explorent les sentiments, la complexité des émotions, la passion, la douleur, la solitude…
‘Morir en Berlin’ est né d'une expérience personnelle: la mort subite de mon frère en janvier 2010, alors que j'étais à Berlin. Un mois plus tard, j'ai commencé à travailler sur le projet. Sur le plan personnel, cela représente la volonté de transformer le sentiment de tristesse et de vide qui m'a envahi en quelque chose de beau.
Berlín est une ville de contrastes, vibrante, où coexistent son passé dramatique latent et une effervescence que je qualifierais de ’nourrissant’.
J'ai proposé la série comme un portrait contemporain, une chronique humaine à travers la multiplicité et la pluralité berlinoise: artistes, musiciens, serveurs, anonymes que j'ai interpellé dans la rue ... C’est la raison de l’importance de la quantité et de la variété des portraits.
Ce sont des portraits au sens classique du terme, le binôme «représentation-identité». Lorsque je propose aux gens leur participation, je leur demande littéralement de représenter leur propre mort à travers leur corps dépouillé. S'ils le souhaitent, ils peuvent poser avec un objet important pour eux. Après les avoir photographiées, je retravaille les portraits, en les enterrant sous la glace du Spree, où j’ai fait des centaines de photos alors qu’elle était gelée.

Le fort contraste des seasons à Berlin, enneigé depuis des mois et la soudaine explosion du printemps, rendent l'esprit romantique allemand présent dans sa plus pure expression de sentiment... tumultueux, mélancolique, désespéré...
Les portraits glacés (les photographies s'appellents toutes Lágrimas heladas’ / Larmes glacées) jouent avec la double idée de "permanence-absence". La mort est un sujet universel autant que l'amour, la vie et la mort sont intimement liés. La mise en scène des corps sous la glace de la rivière fonctionne comme une métaphore: emprisonnée dans la rivière. La rivière en tant que représentation de la vie, en mouvement constant, mais paralysée - puisque gelée- voir morte en hiver, attendant le printemps où le cycle de vie renaît à nouveau.